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Exutoire d'idées gênantes

Les gardiens de la paix ou les soldats?

24 Mars 2016 , Rédigé par Valny

Marianne s'en va en guerre

Les différentes attaques terroristes qui se sont produites ces derniers mois en Europe ont fait ressortir un mot que beaucoup utilisent à tort et à travers : la guerre. La France serait "en guerre contre le terrorisme" comme le clament les hommes politiques de tout bord. Les attentats que la France a subi en janvier et en novembre 2015 seraient donc une déclaration de guerre? Peut-être faudrait-il d'abord se pencher sur ce qu'est une guerre avant d'utiliser ce terme.

La guerre, si on reprend la définition de Wikipedia, se définit comme un état de conflit armé entre plusieurs groupes politiques constitués, comme des États, désignés alors comme ennemis ou belligérants. L'encyclopédie en ligne précise d'ailleurs que les États font la guerre aux autres États, pas aux individus ni aux familles qui les composent. Vous pourrez retrouver cette définition dans n'importe quel dictionnaire, avec des nuances sans doute, mais dont le sens restera le même.

Le terrorisme, un "groupe politique constitué"?

La guerre est un conflits entre États, ou à défaut entre des "groupes politiques constitués". Cette définition peut s'appliquer à Daech en tant qu'entité pseudo étatique en Irak et en Syrie. Pourtant, le terrorisme, même organisé comme il l'était pour ces différentes attaques, n'est pas un groupe politique constitué. Il n'est le fait que d'individus qui ont certes une philosophie de vie plus ou moins commune, mais ces individus ne sont jamais plus d'une dizaine dans une cellule terroriste, bien loin de ce qu'on pourrait qualifié de groupe politique constitué.

Les hommes politiques sont assez peu nombreux à cibler précisément ceux qu'ils considèrent comme l'ennemi. Si Daech est clairement l'ennemi au Moyen-Orient, le terrorisme peut prendre bien des formes dans notre pays si on ne réduit pas la description.

Mais admettons. La France est en guerre. Cela justifie l'état d'urgence et la restriction des libertés publiques et les pouvoirs d'exception des forces du maintien de l'ordre. Le gouvernement peut donc déployer des soldats partout pour protéger la population... Ne voyez-vous pourtant pas quelque chose qui cloque dans cette justification?

Du maintien de l'ordre ou de la guerre

Le gouvernement peut, sous prétexte de l'état d'urgence, déployer des soldats et les forces de l'ordre pour protéger la population. Sauf que les militaires étaient déjà déployés pour "sécuriser les espaces publiques sensibles" bien avant l'état d'urgence. En réalité, ils sont déployés depuis 1996. Depuis 20 ans! La France serait-elle en guerre depuis 20 ans sans que nous le sachions?

Pourtant, ceux qui crient à la guerre aujourd'hui sont parfois les même que ceux qui refusaient de reconnaitre que la guerre d'Algérie en était une, parlant seulement de "d'opérations de maintien de l'ordre", et ce jusqu'en 1999. C'est là qu'intervient un débat qui peut être gênant : la lutte contre le terrorisme étant une lutte contre des actions individuelles, est-ce une guerre ou du maintien de l'ordre?

La répartition des tâches est, en France, pourtant bien établie : la Police et la Gendarmerie sont les forces du maintien de l'ordre, l'armée se contente d'assurer la sécurité contre les menaces extérieures. Or les terroristes qui ont frappés la France étaient français et ont organisé leurs actions en France. L'armée ne devrait donc pas être un acteur dans cette histoire. La précision de la définition citée plus haut rappelle aussi que "les États ne font pas la guerre aux individus".

Une histoire du terrorisme en France

Si la Belgique a rarement été frappée par le terrorisme, la France a une longue histoire de Terreur derrière elle puisque c'est elle qui l'a inventée. Les premiers vrais actes terroristes date de la fin du XIXe siècle, ils étaient alors le fait d'anarchistes. Les décennies passant, les auteurs d'attentats ont pu être de droite ou de gauche, d'un extrême à l'autre, indépendantistes ou révolutionnaires, les attaques plus ou moins meurtrières, plus ou moins isolées ou organisées.

Jusqu'à présent, jamais le gouvernement n'aura déclaré qu'il s'agissait là d'une guerre. Pas même en Algérie. Justes d'actions violentes condamnables, et parfois imputables à un pays étranger, mais jamais une guerre. Qu'est-ce qui a changé en 2015?

La raison de cette revendication de guerre ne tient pas seulement au fait que les attaques ont été revendiquées par Daech, un groupe terroriste qui veut se faire passer pour un État. Les mots ont une importance, non seulement par ce qu'ils désignent, mais aussi par la personne qui les prononce. Ces mots ont été prononcés par des hommes politiques et repris par les médias qui les suivent (certains diraient, "qui les servent"). Ces mêmes hommes politiques dont la légitimité est de plus en plus remise en cause et qui cherchent de nouvelles méthodes pour conserver un pouvoir qui leur échappe.

La guerre contre le terrorisme est donc une jolie expression qui sonne creux. De même que George W. Bush déclarait la guerre contre le terrorisme en 2001 alors qu'il venait d'être élu dans des circonstances discutables, c'était une occasion inespérée de détourner l'attention des citoyens pour qu'ils se rassemblent contre un ennemi. Que cet ennemi soit réel ou fictif, qu'il soit une menace ou non, ce n'est pas l'important. L'important c'est qu'en cas de guerre, un peuple a besoin d'un chef. Et c'est ce que souhaitent rester nos chers dirigeants...

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