Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Exutoire d'idées gênantes

Paris, moteur ou boulet?

16 Octobre 2017 , Rédigé par Valny

Paris 2024

Sans grande surprise, les Jeux Olympiques de 2024 ont été attribués à Paris. Un siècle après les derniers jeux organisés dans cette ville, la capitale française va à nouveau accueillir cet évènement mondial. Sans grande surprise car la concurrence était très limitée et que Los Angeles est finalement la grande gagnante de cette compétition puisque cette ville a pu obtenir des conditions bien plus avantageuses que Paris.

Lassons de côté les histoires de corruption du Comité International Olympique et le fait que les dépenses consenties pour ce genre d'évènement sportif sont loin d'être couverts par les recettes comme a pu le prouver le dernier championnat d'Europe de football accueilli par la France en 2016. Laissons aussi de côté le fait que la plus grande partie des aménagements qui seront entrepris pour ces JO le seront en Seine-Saint-Denis et pas à Paris, de toute façon, vu de l'étranger, il n'y a pas d'autre en ville en France que Paris.

Car c'est bien tout le problème. Si les Jeux Olympiques sont un moteur de rayonnement international, force est de constater que dans la tête de nos dirigeants, la seule ville française qui a droit aux lumières mondiales c'est la capitale. Pourtant, elle est loin de briller par sa modernité. Si c'est elle qui draine la plus grosse partie des touristes étrangers dans notre pays, elle n'a pas d'autre raison de s’enorgueillir.

Depuis des décennies, la ville de Paris est tellement fière d'être la première destination touristique du monde et le centre de pouvoir politique et économique du pays qu'elle est en retard sur tout le reste.

Une copie de l'existant plutôt que de l'innovation

Prenons un exemple récent. La ville de Paris veut réduire la place de la voiture pour laisser plus de place au vélo et aux autres modes de déplacement alternatifs moins polluants. Les moyens mis en œuvres peuvent être discutés, reste que l'objectif n'est pas mauvais. Rappelons au passage que ce type d'objectif a été lancé dès les années 1970 à La Rochelle, suivi très vite par d'autres ville française, soit 30 ans avant la ville de Paris. De même, les parisiens sont aujourd'hui fiers de leur réseau Vélib' qui est le plus étendu et le plus utilisé du monde. Mais ces chers parisiens oublient sans doute volontairement que ce type de système a été inventé à Amsterdam dans les années 1960, qu'il est apparu en France en 1974 (là encore à La Rochelle) et que la première version informatisée existait déjà depuis 10 ans à Rennes quand Paris lança ce service. Rien de nouveau sous le soleil donc.

Le bannissement progressif des véhicules les plus polluants de l'enceinte de Paris a également provoqué un débat assez houleux. Certains arguments mettent en avant que les voitures les plus anciennes sont généralement considérées comme les plus polluantes et la mise en place des vignettes Crit'Air et des Zones environnementales vise avant tout à exclure les plus pauvres de Paris intra-muros. Outre le fait que les prix de l'immobilier se sont chargés d'exclure les pauvres de Paris depuis bien longtemps, on rappellera que les pauvres prennent les transports en commun.

En parlant des transports en commun, le métro de Paris est sans doute l'un des meilleurs réseaux en Europe et ne cesse de s'étendre depuis sa création en 1900. Toutefois, il a fallu attendre 1998 pour voir ouvrir la première ligne de métro automatique (la ligne 14), soit 15 après la création de ce type de métro à Lille. De même, la ville de Paris ne connaissait pas le tramway jusqu'en 2006, soit 21 ans après la construction de la première ligne de tramway moderne à Nantes, largement suivi par les grandes villes françaises dans les années 1990 et 2000. Et ne parlons même pas de l'accessibilité des transports parisiens aux handicapés...

En terme d'aménagement urbain, le grand projet de ces dernières années est sans doute la réhabilitation du Forum des Halles. L'ancien forum, à la qualité architecturale discutable, légué par Jacques Chirac, a laissé la place à un espace, certes moins glauque, mais au goût tout aussi particulier qui était sujet aux infiltrations avant même son inauguration. Un esprit mal intentionné pourrait même en faire une copie ratée du Metropol Parasol (localement appelé le "champignon") de Séville en Espagne.

Un désamour français

Si la ville fait encore rêver les amoureux de beaucoup de pays dans le monde, il faut bien admettre qu'en France, Paris ne fait rêver presque que les parisiens. Il est d'ailleurs intéressant de citer une petite anecdote sur le sujet.

Au retour d'un voyage en Grèce, l'auteur de ces lignes a pu être témoin d'une scène dans l'avion qui le ramenait d'Athènes vers Orly. Un jeune couple de grecs, apparemment très enthousiastes à l'idée de découvrir la ville lumière, avait noué une conversation anglophone avec leur voisin français. A un moment, la jeune femme demanda au passager français ce qu'il préférait à Paris. Celui-ci répondit d'une manière aussi franche que désarmante : "Rien. Paris, c'est sale, bruyant, ça pue et les gens sont désagréables." Ce qui mit un terme définitif à la conversation devant le regard ahuri des deux touristes grecs.

Il est vrai que la plupart des provinciaux ne vont à Paris que par obligation. Si vous voulez prendre l'avion, vous devrez aller à Paris. Il est assez amusant de constater d'ailleurs que l'aéroport Charles De Gaulle est plus facilement, et parfois plus rapidement, accessible en train depuis la province que depuis Paris. Les aéroports des grandes villes françaises, outre quelques exemples tels que ceux de Lyon, Toulouse ou Nice, étant cantonnés à des dessertes régionales voire européennes (et nous nous attarderons au cas de Nantes dans un autre article). Cette concentration des vols long courriers est telle qu'il est parfois plus aisé d'aller à l'étranger pour trouver un aéroport bien desservi que dans la grande ville française à proximité. Il n'est pas rare de croiser des français en partance pour les vacances aux aéroports de Bruxelles, Francfort, Genève ou Barcelone.

La cauchemar du changement de train à Paris

Si vous voulez prendre le train d'une grande ville à une autre, au moins dans la moitié nord du pays, vous devrez presque à coup sûr changer de gare à Paris. De là le cauchemar de tout provincial de se perdre de le dédale des couloirs de la station de métro Châtelet. Si la SNCF propose bien des trains directs province-province, leur nombre et leur horaires sont si restrictifs qu'il est souvent plus rapide de s'en tenir au traditionnel changement parisien.

Le développement des lignes à bas coût Ouigo avait laissé espérer une évolution dans l'organisation des trains province-province avec la desserte limitée aux gares périphériques de Paris que sont Roissy, Marne-La-Vallée et Massy. Cependant, l'arrivée de ces trains dans les gares de Paris intra-muros semble faire retomber la SNCF dans ces vieux travers et faire perdre tout intérêt à cette offre qui avait pourtant permis quelques avancées.

Ainsi, à partir de la fin de l'année 2017, les Ouigo desserviront la gare Montparnasse. Chose excellente pour les parisiens qui veulent se rendre dans l'ouest ou le sud-ouest de la France et ces mêmes provinciaux qui veulent se rendre à Paris (oui, il y en a). Sauf qu'en contre-partie, les lignes de Rennes et Nantes vers Tourcoing (banlieue de Lille) sont supprimées. Vous rêviez d'un train Bordeaux-Strabourg, Strasbourg-Marseille ou Lyon-Rennes? Continuez à rêver, ces lignes ne sont pas pour tout de suite. Les lignes Ouigo n'offrent pas de correspondance entre elles, pas de billets combinés en cas de changement.

Un carrefour d'un autre temps

Paris c'est donc le carrefour du pays. Là où tout le monde doit passer et s'arrêter, le cœur et la tête de la France. Mais quand on y regarde de plus près, tout ça sent la maison de retraite. Ce n'est pas une ville-monde qui montre l'exemple aux autres, c'est plutôt une vieille dame qui suit péniblement en trébuchant une fois sur deux. La capitale n'a pas besoin des Jeux Olympiques pour conforter son rayonnement et pourrait trouver bien d'autres utilisations au budget consacré à l'organisation de cet évènement.

De plus, les mentalités parisiennes n'arrivent toujours pas à franchir cette barrière aussi physique que psychologique qu'est le périphérique. Rappelons qu'aujourd'hui, l'intégralité des communes françaises sont regroupées au sein d'établissement publics de coopération intercommunale, autrement appelés EPCI ou intercommunlités (communautés de communes, d'agglomération, urbaine ou métropolitaine). Ce phénomène a débuté à la fin du XIXème siècle avant d'être fortement encouragé dans les années 1990 puis rendu obligatoire au début des années 2010. Toutes les communes ai-je écrit? Non! Une commune résiste encore et toujours à la rationalisation des pouvoirs locaux : Paris.

A la fois commune et département, la ville de Paris reste en dehors de toute coopération intercommunale, au point qu'il a fallu créer une nouvelle structure sur mesure,la Métropole du Grand Paris, pour forcer la ville à travailler avec ses voisins, officiellement créée le 1er janvier 2016. Quelques 125 ans après la création des premiers syndicats intercommunaux... Et cela a des conséquences : à l'heure ou les communes sont passées à l'étape de la fusion pure et simple par la création de communes nouvelles, Paris reste dans ses frontières de la réforme d'Haussmann de 1860.

Si la ville de Paris reste incontestablement le cœur et la tête du pays, elle n'en est clairement pas le moteur. Elle repousse les innovations administratives et n'adopte les autres qu'avec beaucoup de retard. Plutôt que de ville lumière, on pourrait plutôt parler de ville-boulet!

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article